Ça ferait presque un joli conte de Noël, le récit que nous vous proposons cette semaine. Il y a la neige, un concours de circonstances à peine croyable et, pour finir, l’amour. Si vous avez aimé le récit de Daniel Desesquelle il y a quelques semaines (Moscou 1991, un putsch et une rencontre), vous allez forcément adorer celui que nous offre son épouse Nina : « Quand j’y pense, quelle trajectoire inouïe ! »
Car les ingrédients sont les mêmes, mais vus de l’autre côté du miroir, celui de la jeune Moscovite interviewée en plein coup d’état par l’envoyé spécial de RFI. Une histoire vraiment inouïe, comme son titre l’indique, que nous vous invitons à lire sans attendre.
Et puisque nous y sommes, toute notre petite équipe vous souhaite de passer un joyeux Noël et de belles fêtes de fin d’année !
En 2025 RFI fête le cinquantenaire de son premier journal.En un demi siècle, la petite équipe du début est devenue une grande radio mondiale.Ce site, totalement indépendant, est dédié à cet anniversaire.
Entretien par Jacqueline Papet et Jean-Pierre Boris
Françoise Deriaz a été en charge de la médecine du travail à RFI du milieu des années 1980 jusqu’en 2012 où elle est partie exercer son art à France-Télévision. Aujourd’hui à la retraite, elle revient avec Jacqueline Papet et Jean-Pierre Boris sur son passage dans la radio mondiale.
« Je suis arrivée à RFI dans les années 1980 parce qu’en tant que médecin du travail on a un secteur attitré et j’ai été nommée là. J’ai vraiment aimé les gens que j’y ai découverts. Des salariés extraordinaires, surtout dans les rédactions de langue. C’étaient des gens qui n’étaient pas journalistes de métier. Ils n’avaient pas fait d’école de journalisme. Mais ils étaient metteurs en scène, peintres, musiciens, poètes, écrivains et quand je les recevais, on parlait poste de travail bien sûr. Mais à ma grande honte, je n’ai pas fait beaucoup de médecine avec eux. C’est à RFI que j’ai fait le moins de médecine du travail. Les personnes que je recevais étaient en général en forme, plutôt jeunes. Elles n’avaient pas la grosse tête et surtout c’étaient de très fortes personnalités. Au sein des rédactions de langue, le concept de médecine du travail n’était pas connu. C’était une découverte pour eux et alors que la visite annuelle était obligatoire, je ne les voyais que tous les cinq ans. Et encore… ! »
Vous semblez avoir été très marquée par votre rencontre avec les journalistes et les personnels des rédactions de langue…
Pour moi, c’était rencontrer des gens exilés – l’exil est une souffrance – qui voulaient montrer ce qu’il y avait de beau dans leurs pays, et ne pas forcément parler dictature ou guerre. Ils voulaient mettre en avant la culture de leurs pays.
C’est peut-être parce que je m’y intéressais, parce que je posais des questions. J’étais curieuse d’eux mais ils avaient besoin de parler et d’évoquer les choses positives de leur pays. Par exemple, j’ai bien connu la section serbo-croate pendant la guerre dans l’ex-Yougoslavie. Avec ses journalistes, on ne parlait pas que de la guerre. On parlait littérature, on parlait théâtre. Cela m’apportait beaucoup de choses mais cela leur faisait du bien parce que mon bureau était un espace de détente. C’est ainsi que j’ai découvert des tas d’écrivains auxquels je n’aurais jamais eu accès.
« J’ai vu une différence de traitement entre les rédactions de langue et la rédaction en langue française »
Avez-vous l’impression qu’ils vous racontaient tout cela parce qu’on ne s’intéressait pas assez à eux dans la Maison ?
Oui, tout à fait. J’ai vu une différence de traitement entre les rédactions de langue et la rédaction en langue française. Il y avait un « petit mépris ». Je ne dis pas un grand mépris. Mais quelque chose. Peut-être pas pour les anglophones. Mais les autres, hein… Même les hispanophones n’étaient pas si respectés que cela. Il y avait Ramón Chao, le rédacteur en chef des émissions vers l’Amérique latine, mais cela ne suffisait pas…
Comment se manifestait ce mépris ?
S’il y avait un sujet qui concernait leur pays, personne n’avait le réflexe de chercher l’information chez eux. Ils n’étaient pas stupides, ils auraient pu donner des précisions, ils auraient pu voir les choses sous un autre angle. Et cela ne se faisait jamais. Ils étaient vraiment à l’écart.
« Au début j’avais du mal avec le palu »
Quelles sont les pathologies auxquelles vous aviez affaire ?
Les pathologies qui m’ont occupée, c’est plutôt chez les personnes d’origine africaine ou qui revenaient d’Afrique avec le paludisme. Au début j’avais du mal. Et je dois rendre hommage à Colette Berthoud. J’écoutais ses émissions avant d’être à RFI, je continuais à les écouter et cela m’a été très utile parce qu’au début je ne connaissais pas du tout les pathologies tropicales et j’ai appris à les connaître. Et puis j’ai fait un diplôme universitaire.
Vous avez connu la période Sida…
Oui, durant les années 80. Cela a été très douloureux, bien que ce ne soit pas une spécificité à RFI. Ce qui était absolument dramatique, c’était d’être confronté à des salariés qui se savaient séropositifs et à l’époque cela conduisait au sida et à la mort, ils le savaient, ils demandaient néanmoins à rester au travail, même dans un état de fatigue intense. En face, leurs collègues, au lieu d’avouer leur peur, jouaient la carte affective : « Vous ne pouvez pas le ou la laisser travailler dans cet état de faiblesse. » Là, il fallait se battre « mais si je vous assure, il n’y a pas de risque de contagion, laissez-le travailler. » A l’époque, la direction de RFI était irréprochable. Elle considérait qu’on pouvait les laisser travailler. Malgré tout, c’était très dur, très dur. Et il y a eu de nombreux morts.
Vous venez de dire que la direction de RFI à cette époque là se comportait bien face au drame du Sida, est-ce que vous avez toujours été en phase avec les différentes directions ?
Non. A l’approche des années 2010, on a commencé à se douter de ce qui allait se passer à RFI et cela a été très dur, très violent pour tout le monde. C’était la présidence Pouzilhac. Il a été très dur, je trouve. Ce que je reprochais, c’était de ne pas entendre que les gens étaient en vraie souffrance. A un moment, on ne leur disait pas la vérité. Tout le monde subodorait ce qui allait se passer mais personne ne disait rien. La disparition de nombreuses sections de langue a été hyper douloureuse. Il y avait des gens qui ne savaient absolument pas quel allait être leur avenir au sein de la société. Il y avait des situations individuelles qui n’étaient pas toujours faciles. La fin des rédactions allemande, serbo-croate….
Comment se manifestaient ces difficultés ?
Il y avait des crises d’angoisse. Il y a eu des situations de harcèlement. Et plus généralement, les directions ne comprenaient absolument pas la difficulté du travail de nuit. Elles refusaient de reconnaître que l’organisme humain n’était pas fait pour cela, qu’une énorme dette de sommeil s’accumulait et que c’était épouvantable. De même, les rythmes en 4/5/5 étaient très intenses et ce n’est pas parce qu’il y a quatre ou cinq jours de repos consécutifs que c’était moins dur.
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