Jean-Marc Morandini, 18/1/2025
Radioscope, 16/1/2025
ViralMag, 13/1/2025
AFP, 13/1/2025
Paris, 13 jan 2025 (AFP) – Mémoires de pionniers et franc-tireurs: des anciens de RFI racontent cette radio internationale à l’occasion de ses 50 ans, via un site internet alimenté par leurs souvenirs et indépendant de la direction de la station publique.
« On veut faire ressortir à quel point cette radio est un média indispensable, un lien entre la France et le reste du monde », expose à l’AFP Jean-Pierre Boris, retraité depuis trois ans.
Avec Jacqueline Papet, Alejandro Valente et Hervé Guillemot, autres anciens, il fait partie du quatuor des fondateurs et animateurs de « 50 ans de RFI » (https://50ans-rfi.fr).
« On a écrit chacun une ou deux histoires mais, le reste des textes, ce sont les témoignages des gens qui ont fait RFI », poursuit-il.
Le format choisi est celui de 50 récits, un publié par semaine. Alejandro Valente a ouvert le bal lundi avec un propos introductif. Guy Riboreau, « le premier à avoir pris le micro le 20 janvier 1975 pour lancer RFI », témoignera lundi prochain dans un texte.
Très écoutée en Afrique, RFI (Radio France Internationale) émet en français et 16 autres langues. Elle faisait initialement partie du groupe Radio France, qu’elle a quitté en 1987. Elle appartient aujourd’hui à un autre groupe public, France Médias Monde, qui comprend aussi la chaîne d’information continue France 24.
« On ne sait pas si on va tenir le cadrage parce qu’on a déjà beaucoup de gens qui veulent contribuer. Peut-être bien qu’on va être obligé de déborder », s’amuse Jean-Pierre Boris. Qui racontera aussi ses débuts: « totalement improvisés puisque je n’avais pas fait d’école de journalisme et je n’en ai pas fait d’ailleurs après ».
« Je suis parti en septembre 1978 en Amérique latine, avec l’idée de vendre des sujets aux divers médias français. Probablement que mes reportages les plus marquants sont ceux que j’ai faits au Chili pendant la dictature Pinochet », se souvient-il.
En 1982, il est recruté par RFI grâce à son travail en Amérique latine « mais le cocasse de la situation veut que ma première mission ait été de faire les journaux à destination de l’Afrique ».
Au-delà des petites histoires personnelles et de la grande Histoire racontée en temps réel par RFI, le site rend aussi hommage aux membres de la famille de cette radio disparus en mission sur le terrain tels Johanne Sutton, Jean Hélène, Ghislaine Dupont ou encore Claude Verlon.
On a parle de RFI
29/6/1983 : Grand reportage, Libé présente RFI
Elle avait beau avoir fêté ses huit ans, RFI était assez peu connue du grand public en 1983. Fin juin se réunissait le premier conseil d’administration de l’histoire de notre radio. C’est vrai, il y a eu des événements plus marquants dans notre histoire, mais cette première avait tout de même de la valeur: Bien qu’elle était encore une filiale de Radio France, ça marquait l’entrée de RFI dans la cour des grandes radios hexagonales. Les héros de l’actualité de l’époque s’appelaient Ronald Reagan, Margaret Thatcher, François Mitterrand, Felipe Gonzalez, Helmut Kohl, Iouri Andropov, Yitzhak Shamir, Yasser Arafat, Fidel Castro, Jean Paul II, Lech Walesa (il sera prix Nobel de la paix cette année-là), le général Pinochet, le colonel Kadhafi… On pourrait ajouter Hu Yaobang, mais la Chine ne s’était pas encore réveillée.
Les tensions Est-Ouest étaient au plus fort. Reagan qualifiait d’empire du mal l’Union Soviétique. Quelques mois plus tard, la chasse soviétique détruira en vol un Boeing coréen avec 269 personnes à bord. Dans un monde qui ne connaît encore ni le sida, ni le covid, ni internet, mais qui soiffre de l’apartheid et d’un terrorisme encore très répandu, RFI cherche à faire entendre sa petite voix.
Et le 29 juin 1983, le journal Libération décide de lui consacrer un très long reportage signé Philippe Gavi. Un drôle d’article où l’esprit Libé brille par son absence, à commencer par le titre : Radio France Internationale donne de la voix.
Si Philippe Gavi semble bien avoir sillonné les couloirs de la maison ronde, seul le directeur général Hervé Bourges s’exprime dans son article, qui oscille entre une admiration un peu forcée devant la montée en puissance de RFI et un regard assez incrédule, voire ironique, devant les contradictions qui semblent entraver la liberté de la rédaction. Etant donné la longueur de l’article, je vous propose quelques passages intéressants organisés par thèmes.
Les locaux
« Trouver RFI dans le labyrinthe de la Maison de la radio, ce rond monument qui consacre le stade suprême de la crétinerie en matière d’architecture, exige une bonne santé. Même les quelque 300 personnes qui y travaillent, dont une centaine de journalistes, ont du mal à se retrouver entre les bureaux dispersés dans la plus totale incohérence en attendant que soient récupérés les locaux tant convoités occupés par la Jeunesse et les Sports. Aujourd’hui mercredi, Radio France Internationale, celle qu’on a coutume d’appeler la « voix de la France » tient son premier conseil d’administration. Le premier parce que ce vieux département de Radio France, avant de l’ORTF, spécialisé depuis un demi-siècle et deux poussières dans la diffusion de la France en ondes courtes à l’étranger ainsi que dans des missions de coopération, s’est constituée seulement au 1er janvier 1983 en société filiale de Radio France, conformément à la loi du 20 juillet 1982 réformant l’audiovisuel, et qu’il a fallu attendre la constitution du Conseil nationale de la Communication audiovisuelle et la désignation de son administrateur pour faire part du conseil d’administration de RFI. Le directeur général Hervé Bourges soumet son rapport. Ou le nouvel élan de RFI. »
Hervé Bourges
« Un buteur que ce Breton de cinquante ans barbu et à la peau tannée par les soleils d’Afrique. Ancien journaliste (il a été rédacteur en chef de Témoignage chrétien à la fin des années cinquante), sa carrière s’est repartie ensuite entre des missions ministérielles et la direction d’écoles de journalisme, dont celle de Yaoundé qu’il a fondé au Cameroun avant de rentrer à l’Unesco en septembre 1980 comme porte-parole de son directeur général M’Bow puis directeur de l’Office de l’information du public. L’après 10 mai 1981 trouvait en ce « gaullien » le personnage adéquat pour prendre la direction de RFI le 1er janvier 1982. Si j’en juge par le poids de la documentation qu’il m’a remise, près de dix kilos de livres, agendafrique avec histoire et légende, discographie de la musique traditionnelle de l’Afrique noire, fascicules, K7, disques, la voix qui s’éteignait a repris de la glotte de la bête. »
Le rang de RFI
« Incontestablement, le nouveau régime a hérité d’une situation pour le moins peu enviable. Avec vingt émetteurs, tous en France, RFI se situait au 28e rang des radiodiffusions internationales, bien loin derrière les 719 heures, 39 langues, 68 émetteurs dont 30 à l’étranger de la BBC. Après six mois de travaux, un comité interministériel élaborait un plan quinquennal de développement dont les objectifs 1983 seront à moitié réalisés (mais comme la barre avait été portée très haut…). Objectif: rattraper la BBC en 1987, une Voix de la France non stop. Tout en se gardant politiquement d’une attitude « néocolonialiste» et «interventionniste ».
Les initiatives ne vont pas manquer à la grande satisfaction d’une rédaction jusqu’à présent tirée à hue et à dia. Lancement le 1er mai 1982 d’une agence de presse écrite et sonore, Médias France Intercontinents, aux sujets très pointus non couverts extensivement par l’AFP et qui alimente, gratuitement, mais Hervé Bourges souhaite passer à l’abonnement, les médias étrangers concernés et la presse régionale française. La rédaction est restructurée : nomination de Fouad Ben Halla comme directeur des services de la rédaction et des programmes (il nous dit qu’il sort de « vingt ans de placard ») coiffant quatre rédacteurs en chef. Fusion en mars 1982 des rédactions de la chaîne Sud (Afrique, moitié programmes spécifiques, moitié programmes France Inter et Culture) et de la chaîne Est (pays de l’Est) -respectivement 10 et 90% – dans une rédaction unique ayant vocation de service mondial en français. Correspondants, envoyés spéciaux, un journal mondial en tronc commun avec six revues de presse par jour et 14 éditions en français dont deux destinées à l’Afrique. Depuis le 1er octobre 1982, trois heures, maintenant quatre heures, bientôt 24 heures en direction de l’Amérique Latine non couverte auparavant. Parallèlement se développent les émissions en langues étrangères, notamment en polonais, en espagnol et en portugais. En outre, un émetteur doit être installé en 1984 en Guyane et surtout Hervé Bourges se bat pour disposer d’un émetteur bien situé en Afrique de l’Ouest. Paradoxe en effet: si RFI « est la station la plus écoutée en Afrique, elle est la moins entendue par ses douze millions d’auditeurs faute de confort d’écoute ». Ajoutons que contrairement à d’autres services publics de l’audiovisuel, les moyens ne manquent pas. Le budget de 1982 à 1983 passe quasiment du simple au double (160 millions contre 80). Un budget où en 1983 la contribution du ministère des Relations extérieures était de 46,15%, le reste provenant de la redevance. Manifestement, Hervé Bourges sait vendre ses ambitions pour RFI pleinement partagées par le gouvernement. »
Des journalistes comme les autres ?
« Reste l’ambigüité congénitale qui pèse sur des journalistes qui, quoiqu’en disent Hervé Bourges et Fouad Ben Halla, ne sont pas « des journalistes comme les autres qui font une radio pas comme les autres ». Certes tout le monde reconnaît un nouveau dynamisme. Terminée « une conception passéiste de la défense de la culture française », explique Hervé Bourges, qui donne en exemple « l’interdiction absolue qu’il y avait auparavant à diffuser de la musique africaine ». Création d’un club de la presse de RFI. Pluralisme dans les revues de presse avec le souci « de ne pas être une radio de propagande ». Plus de liberté certes, mais « l’esprit de responsabilité » qu’invoque la direction oblige à d’incontestables contraintes auto-acceptées. Donc « nous devons être très prudents, corrige Hervé Bourges, ne pas nous substituer aux autres, ne pas donner la parole à des opposants au moment d’une visite du président de la République, à moins de faits d’actualité »… Allusion à une revue de presse citant un article du Canard Enchaîné au moment de la visite de Mitterrand chez Bongo et dont le responsable avait été muté de poste). A ce prix là, les journalistes peuvent avoir confiance dans la voix de leur pays. »
Philippe Gavi







































