« De Las Vegas, Thomas Bourdeau pour RFI ! »
Par Thomas Bourdeau
Jamais je n’aurais imaginé signer un papier sur les antennes de la radio mondiale depuis Las Vegas, la capitale du jeu et autres frivolités.
Rembobinons un peu pour comprendre comment cela m’est arrivé. J’obtiens mon poste de journaliste community manager en 2008, après quelques années dans la presse écrite. La page Facebook de RFI compte à peine 400 000 fans (maintenant c’est plus de 6,5 millions). Ce sont aussi les débuts de Twitter, désormais baptisé X (maintenant 5 millions d’abonnés), et Instagram vient tout juste d’arriver.
J’ai comme thématique pour le site de RFI, la « tech » et les réseaux sociaux : j’y observe leurs influences sur nos comportements. Le printemps arabe secoue la planète – on allait l’appeler la révolution Facebook -, l’affaire DSK à New York met en avant l’importance de Twitter (X) dans la rapidité de la distribution de l’information, l’iPhone promet des merveilles…
Bref je ne chôme pas, même s’il était encore difficile à cette époque de réaliser à quel point les nouvelles technologies allaient devenir essentielles dans nos vies.

Au fil de mes navigations virtuelles, je découvre que le CES – Consumer Electronics Show – à Las Vegas se présente comme « le plus grand salon au monde sur les nouvelles technologies ». Un expert m’explique : « Tu verras, c’est dingue ! Il n’y a rien de comparable pour découvrir l’univers des nouvelles technologies. »
C’est l’occasion unique de vérifier sur place cette fameuse « tech » dont RFI commence à parler régulièrement. Frédéric Bonnard, à la tête de mon service, voit ma volonté d’y aller autant comme une démarche journalistique que comme un moyen de faire du networking (c’est à dire réseautage, rencontrer les bonnes personnes au bon endroit et se faire connaître). En quelque sorte du win-win dans son jargon. En effet, ce fut les deux pour RFI.
Vegas baby !
Imaginez la porte de Versailles, multipliez par dix, ajoutez des dizaines d’hôtels de plus de 50 étages tout autour, des néons et des salles de jeux. Bienvenue au CES de Las Vegas, ville où règne une énergie joyeuse hors-sol 24H/24 qui correspond d’ailleurs à celle du secteur des nouvelles technologies. Bref, Vegas Baby !
Durant le salon, toutes les personnalités de ce monde en devenir déboulent pour présenter, proposer, découvrir et imaginer le futur de la planète dans le domaine. La Chine y envoie une des plus grosses délégations avec la Corée du Sud, la tech américaine est en tête de pont et la France commence à y prendre ses marques.
Pour ma première année, en 2014, les visiteurs officiels qui répondent aux questions de RFI sont Pierre Gattaz du Medef avec Fleur Pellerin, ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique. Emmanuel Macron arrive les années suivantes avec la French Tech et l’idée de la start-up nation qui va motiver un ensemble d’entrepreneurs en France.

Le CES est une leçon d’économie grandeur nature : du dirigeant de start-up – futur CEO – avec juste son idée posée sur deux tréteaux, aux fournisseurs chinois assis devant un bric-à-brac de puces techno, du distributeur au commercial, de l’homme politique à la région d’un pays qui espère des débouchés en termes d’emploi. Chacun croit en ses chances de succès.
Nvidia, la petite boite qui monte
Au CES, je découvre le premier selfie stick. Cela peut paraître désuet d’écrire cela ainsi, mais à l’époque, même les vendeurs de cette perche au bout de laquelle on attache un téléphone ne sont pas certains de son usage – le mot selfie vient tout juste d’entrer dans le dictionnaire anglais. Depuis, cette perche est un accessoire essentiel pour les journalistes reporters.
Et des nouveautés dans le genre – avec succès ou pas – j’en vois tous les dix mètres dans ce salon. Comme la première Tesla, les google glass, les premiers drones – Parrot une marque française -, les robots…
Un exposant du secteur automobile m’explique les prouesses des puces Nvidia : « on ne peut rien faire sans eux, c’est la boite qui monte » ! Nvidia est devenue la plus grosse capitalisation boursière de cette année 2025…
A l’époque, peu de journalistes français mettent les pieds dans les allées de ce salon dans le Nevada. Ne me sentant pas lié par le dicton local « ce qu’il se passe à Vegas reste à Vegas », illustrant la nécessaire confidentialité autour des frasques des touristes en goguette, je « livetweete » mes découvertes comme un possédé. A tel point qu’un consultant s’agace ouvertement de mon travail qui lui coupe « ses exclusivités » auprès de ses clients restés en France… Les exposants du pavillon français sont, quant à eux, ravis de voir leurs produits mis en avant sur le site ou à l’antenne de la radio mondiale.

Dans une salle de casino, un chef d’entreprise français s’insurge contre la politique économique des dirigeants du pays, pas assez offensive dans le domaine selon lui. A la fin de la réunion, il se dirige vers le porteur du micro à bonnette rouge RFI et dit : « si vous voulez vraiment parler de la tech, venez la voir comme elle se fait, dans la Silicon Valley ! »
Cette économie demeure compliquée à comprendre avec les levés de fonds, les business angels, les idées qui valent plusieurs millions alors que rien n’a été encore réalisé…
A la découverte de la Silicon Valley
C’est une gageure à raconter et une nouvelle occasion de pousser des portes peu ouvertes par un média. Cette même année 2014, je passe sept jours à sillonner la Silicon Valley, de Palo Alto à San Francisco. Chaque jour, je trouve des sujets plus passionnants les uns que les autres, des interlocuteurs bavards et fiers de leurs start-ups : Airbnb, Tesla, Google, Apple…
Je découvre les incubateurs de start-ups, le premier « fablab », l’un de ces laboratoires où les inventeurs ont des outils de création numérique à leur disposition. Et j’assiste à une réunion de chefs d’entreprises français expatriés – ces fameux pigeons qui ont quitté la France pour l’Eldorado techno-économique californien…
Sur le campus de Stanford, je rencontre le professeur de philosophie de mes années d’étudiant dont j’ai retrouvé la trace. Il vit dorénavant dans la Silicon Valley et m’explique qu’il a eu comme étudiant Peter Thiel : futur patron de la tech américaine dans le gouvernement Trump.
Je prends systématiquement des notes et, quand j’apprends que mon avion a quatre heures de retard à l’aéroport de San Francisco, je me dis : « c’est l’occasion d’écrire un webdoc ! »

Internet et les réseaux sociaux deviennent peu à peu LES nouveaux médias, alors qu’à France Médias Monde, les écritures numériques démarrent tout juste. Pourtant, avec mes photos, sons, vidéos, j’ai de quoi faire ! Je trouve vite une connexion wi-fi correcte à proximité du salon de l’aéroport et, googledoc ouvert, je rédige compulsivement de San Francisco, puis à bord de l’avion qui me conduit de retour en France. Le studio graphique de FMM m’aide à tout mettre en forme à l’arrivée, ça s’appelle cool Tech.
L’année suivante, je retrouve cette ville folle, bonnette rouge RFI en vigie et je suis comme un poisson dans l’eau. Micro en main, je parcours des dizaines de kilomètres à pied chaque jour pour dénicher des nouveautés dans tous les domaines : sport, santé, éducation, science, transport…
Les entreprises tech, connaissant maintenant la radio, sont plus à même de venir présenter leurs technologies qui s’imposent de plus en plus comme sujet à l’antenne. Et cela donne même un second webdoc.

Étonnamment, arpenter les travées du CES demeure la meilleure leçon de journalisme au monde. Cet évènement rassemble des journalistes de toutes les nationalités, tous obsédés par les nouvelles technologies. Américains, Japonais, Coréens, Européens ou Sud-Américains… ils sont plusieurs milliers à façonner les pratiques journalistiques de demain en rivalisant d’ingéniosité pour porter la bonne parole tech.
Le selfie stick est devenu banal, s’y accrochent des micros voire des éclairages, reliés aux applications de l’iPhone maintenant truffées d’IA pour se comprendre dans toutes les langues. Autant de technologies qui se disséminent hors salon pour le plus grand bonheur des reporters de RFI.
La connexion au wifi demeure vitale, les bureaux s’improvisent en fonction et signer en tête de son papier : « De notre envoyé spécial à Las Vegas » peut devenir une habitude…
L’auteur

Thomas Bourdeau
Né en 1968 à Chateaubriant
DEA d’économie des Institutions (EHESS/Polytechnique/Nanterre)
Entre à RFI en 2000
Community Manager RFI, service nouveaux médias de France Médias Monde








































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